Une nuit trop calme [PV: Yuu']

A vrai dire,elle ne savait pas ce qu'elle foutait là, dans la froideur de la nuit à se mettre en danger pour une lubie qu'elle ne connaissait pas. Soudain elle s'éprit à penser à la crasse ambiante du bar où elle traînait, où les alcooliques incontrôlés ou incontrôlables se jetaient sur elle dans l'espoir de quelque chose qu'elle ne donnerait pas. Là où chaque soir, elle venait boire d'innombrables coupes de sake, où le barman lui disait des choses dont elle n'avait que faire. Mais elle était là. Sans un gramme de sake dans le sang. La nuit allait tomber, elle devrait déjà être au bar. Pourtant elle continua sa marche sur le sentier gravilloné. L'air humide la fit frissoner. Il passait dans les mondres plis de sa veste, s'immissant perfidemment sous ses habits pour la geler. Rien n'aurait sembler pouvoir l'arêtter. Elle arriva devant une aire de jeux pour enfants, sa main effleura un tourniquet, caressa le bois usé d'une balançoire. Et au détour d'un chemin elle aperçut une silhouette. "Au détour d'un chemin... c'était une certitude... Merci... " nan ce ne pouvait pas être elle. Son esprit s'élança vers cette silhouette incertaine mais son corps résista.Qu'est ce qui lui prenait tou d'un coup? Elle n'allait pas devenir... sensible? Elle s'arrêta enfin, secoua sa tête comme pour faire partir ses mauvaises pensées et prit le temps de réfléchir. Non ce ne pouvait pas être elle, la silhouette, en regardant mieux, avait les cheveux longs, pas Klaud. Ce fut tout d'un coup comme une déception qui l'accabla. Et bien que toutes ses pensées la remuait, bien qu'elle aurait voulu faire cesser l'ouragan qui se déchênait sous son crâne, son visage était resté inerte, impassible. Elle resta plantée là, laissant l'inconnue partir. Après plusieurs longues minutes, elle prit enfin l'initiative d'aller s'asseoir sur le banc tout proche en poussant un long soupire. La nuit était tombée.

Yuutopia errait sans but dans ce lieu qu'elle aimait tant. Lieu qui collait si bien à sa personnalité... Quoi de plus lugubre qu'un vieux parc de jeux, lubie infantile où le sinistre grincement du tourniquet et le balancement effrayant de la balançoire se mêlaient étrangement bien. La demoiselle aimait cette ambiance, tout le monde en avait peur, ce qui lui permettait à elle d'être seul dans ce sombre monde. Soudain, ses pupilles argentées se posèrent lassement sur une silhouette assise sur un des bancs qui parsemait le parc. Comme à son habitude, Yuu-chan n'y preta pas attention car elle se contre-fichait des 99% d'individus qui habitaient cette planète. Agacée que l'on vienne troubler sa solitude nocturne, la jeune femme se leva et commença à marcher dans le seul but de s'éloigner le plus possible de l'inconnue. Ses pas se rapprochaient, lentement... Ses chaussures de cuir fortaient les graviers ce qui provoquait un bruit infernal. Lançant un dernier regard à la ryoushi, elle se stoppa net comme frappée tout à coup. Finalement cette nuit allait être bien plus difficile qu'elle ne le croyait... De plus Yuu-chan n'était vraiment pas suspecte... Une inconnue mélancolique qui ne faisait que se promener et qui posaient des questions innocentes sans chercher à se jeter sur sa proie... Rien de cela n'aurrait pu faire croire que Yuutopia était une vampire. Elle se lança, d'une voix très neutre :

- C'est ta vrai couleur de cheveux ? J'ai toujours rêvée d'être blonde...

Elle marqua une courte pause pour s'assoier sur le même banc que l'inconnue, mais le plus éloigné possible, montrant le certain respect qu'elle vouait à celle-ci.

- Quelle chance tu as...

L'inconnue s'était rapprochée de Kaede après plusieurs hésitations. Kaede s'en fichait. La ville était à tout le monde après tout. Cette inconnue lui parrut tout d'un coup plus étrange lorsqu'elle se mit à parler. Elle n'aimait pas parler, elle n'aimait pas écouter les gens. Elle ne comprennait pas pourquoi, par une nuit tranquille, une fille qui déambulait calemement dans un parc venait lui adresser la parole. Kaede devrait-elle être interressé par une fille qui venait lui raconter sa vie comme ça? Elle se foutait royalement qu'elle ait voulu être blonde ou brune, rousse, ou même violette. Qu'elle parte! Qu'elle aille vivre sa vie! Puis soudain, comme mue par un sixième sens elle pensa à quelque chose. Elle ne pouvait pas avoir affaire à une humaine, les humaines étaient beaucoup trop effrayée pour faire des choses pareilles. C'aurait pu être une ryoushi mais elle ne connaissait pas cette femme. Ce ne pouvait alors qu'être... une vampire. Orff qu'elle soit vampire ou humaine, peu lui importait. Elle ne la connaissait et n'avait pas envie de la connaitre. Pourtant cette même question lui tembourinait la tête. Elle avait toujours été froide, toujours distante, et sans qu'elle demande rien, on venait lui addresser la parole. Un doute la prit et elle lâcha sans intonnation:

"-Je ne sais pas si tu as remarqué que j'étais une ryoushi, mais moi j'ai remarqué que tu étais un vampire."

Elle ne savait qu'elle effet cela produirait sur son interlocuteur, enfait elle s'en fichait. elle voulais juste savoir si sa présence était due à 'une envie d'être blonde (donc un malheur ou quelque chose comme ça) ou si elle servirait de casse-croute (à ce moment là, elle n'aurait pas remarqué qu'elle était ryoushi).

Yuutopia ne pouvait détacher son regard de la demoiselle, elle l'attirait bien trop. Bien sûr la vampire se contenait du mieux qu'elle le pouvait, évitant ainsi le désastre... De plus la demoiselle ne voudrait en aucun cas trahir ses principes pour une stupide ryoushi. De plus elle risquait sa vie si elle décidait de planter ses cros dans le cou d'un chasseuse. Non vraiment, toutes les raisons poussaient Yuu-chan à ne pas commettre cet acte pourtant cruellement naturel... Calmement, la jeune femme fixa l'inconnue, toujours de ce visage neutre et indifférent. Impavide face à la ryoushi, Yuutopia resta de marbre, sans la moindre émotion.

- Et alors ? C'est sensé changer quoi que ce soit à la situation ? Ce n'est pas comme si je t'avais sauté dessus et égorgée sur place...

La vampire lâcha un soupir bref, témoignant de son ennui à l'égard de la ryoushi, bien trop méfiante à son goût.

- Et puis... Si cela peut te rassurer, je m'interdis de m'en prendre aux filles comme toi.

Elle se leva, commença à marcher en direction de la balançoire puis s'assit sur celle de droite. Lentement Yuu-chan commença à se balancer, de plus en plus loin. Le grincement sinistre des chaînes rouillées par le temps rendait amplifiait l'ambiance lugubre de ce parc, déjà effrayant à la base dans l'obscurité. Seul la lune éclairait maigrement le paysage, c'était en quelque sorte une semi-obscurité. Malgré son occupation, la demoiselle posait toujours ses yeux d'argent sur la jeune fille blonde toujours assise, n'étant pas décidée à la quitter des yeux...

Kaede haïssait cette sensation. Elle haïssait même cette situation. Et elle haïssait cette fille. C'était le second vampire à s'être approchée si près de Kaede sans une balle plantée entre les deux yeux. Elle caressa du bout des doigts le pendentif doré qui se balançait doucement au bout de son cou. C'était peut-être la seule chose qui n'était pas effrayante dans ce lieu lugubre. " te rassurer ", voilà ce qu'avait dit l'autre fille. Avait-elle vraiment peur? La dernière fois qu'elle avait eu peur, c'était il y neuf ans. Maintenant, l'autre était sur la balançoire comme une gamine. Pourquoi les gens faisaient des choses qui ne correspondaient pas à leur âge? Elle ne devrait pas être sur une balançoire pour les gosses de 6 ans! Mais bien plus que cela, c'était autre chose qui intrigait la jeune ryoushi.

"-Pourquoi n'as-tu pas peur?"

Cette simple question, posée comme on pose comme un "comment ça va", reflettait pourtant toute une vie de solitude profonde. Humain ou vampire, à chaque fois qu'elle déclinait son identité, tout le monde prenait peur. Elle avait pris alors cette vieille habitude que tout le monde la fuit, que personne n'ose soutenir son regard. Et elle avait fini par se résigner à ce fait, se résigner à passer sa vie sans personne à qui parler. Le barman n'était pas quelqu'un digne de confience, c'était un idiot qui pensait qu'elle l'écoutait. Il faisait son métier comme n'importe qui l'aurait faitt. N'importe qui. Mais cette fille n'était pas n'importe qui. Elle se souvenait avoir vu son portrait dans les bureaux de la brigade. Elle était très certainement issue d'une haute lignée de vampire, sa tête valait beaucoup. Mais ce n'était pas sa préoccupation. Sa préoccupation, c'était la réponse à sa question...

Yuutopia finit par ralentir la cadence, jusqu'à ce que le balancement s'arrête complétement. Puis elle se leva, ayant finit de se divertir sur ce jeu infantile. La demoiselle lança un dernier regard nostalgique à la balançoire. La dernière fois qu'elle s'était balancée, c'était avec elle, les temps ont changés et c'était la période que Yuu-chan nommait affectueusement "la belle époque". La jeune femme souria légèrement mais discretement au point qu'un autre individu n'aurait pas remarqué la différence sur son visage placide. Peur ? Voilà qu'on lui parlait de peur, encore une fois. Lassée et agacée, la jeune vampire se demandait toujours pourquoi on lui posait toujours cette même et stupide question. Pourquoi devrait-elle forcément avoir peur ? Ce n'était pas pour rien qu'on l'appelait "l'impavide" à l'époque.

- Je pourrais alors demander pourquoi une humaine n'a pas peur d'une vampire... Tu vois, la question est sans fin, ce qui la rend complétement stupide. Je n'ai pas peur c'est tout, il n'y a pas de cause particulière, c'est comme ça.

Elle avait répondue d'une voix glaciale et d'un ton très sec, témoignant la non sympathie de la demoiselle. Yuutopia avait l'habitude que l'on est peur d'elle mais que cela ne soit pas réciproque... Peut être que la Ryoushi était en fait dans le même cas qu'elle, ce genre de personne que les autres évitent par crainte. Yuu-chan n'était pas comme les autres, au contraire, elle était justement de celles que l'on approche pas par peur.

- A moins que tu ne poses cette question parce que tu es toi-même rejetée par les autres qui te craignent... Quoi qu'il en soit je ne suis pas les autres.