Ainsi, je comble le vide. (PV TTThei ouioui paye ta faute)

Le vent soufflait fort, emportant quelques feuilles mortes avec lui. Le park ressemblait en cette fin de soirée à une ville fantôme, il était désespérément vide. Seuls quelques papiers se baladaient, entraînés par le vent. Il commençait à faire nuit mais pas tout à fait, juste assez pour voir les nuages gris infester le ciel et sentir l'humidité. L'endroit était glauque mais c'était exactement ce que je recherchais, le calme et la solitude. L'idée d'imaginer l'endroit grouillant de gamins écervelés, hurlant et se disputant pour qui ira en premier sur le jeu me fit grimacer. Je n'aimais pas les gens. Tous aussi pathétiques ils jouent un rôle, désireux de voir dans les yeux des autres ce qu'ils souhaiteraient être. Qu'y a-t-il derrière ces visages inexpressifs, rongés par la solitude, tous identiques, semblables à du marbre, les yeux ternes et un sourire faussement sincère au bout des lèvres ? J'avais choisi de ne pas porter de masque, de ne pas me mêler à leur stupidité superficielle. Une fois, pour se donner bonne conscience d'être un père exemplaire et toujours présent pour son fils, mon père m'avait emmené au park. Je crois bien que c'était la seule fois où il m'y avait emmené et c'est pourquoi cela m'a marqué. C'est avec un soupir que je du constater à quel point j'avais peu de bons souvenirs avec mon père. La nuit était maintenant tombée et le froid s'était lentement installé. Je me mis à frissonner. Un bruissement de feuilles attira mon attention, me fit tourner la tête d'un coup.



Après quelques secondes de silence je du me rendre à l'évidence: je devenais parano, par dessus le marché. Je m'étalais sur le premier banc venu et m'enfouis sous mon long manteau noir. C'était une nuit bien triste à mon goût et je me mis à réfléchir d'un moyen pour la rendre plus intéressante. Il était dix neuf heures trente, j'avais encore du temps devant moi. Passé vingt heures moins le quart je recevrais des appels de ma mère surexcité à intervalle de trois minutes entre chaque appel jusqu'à ce que je daigne répondre et rentrer à la maison. Elle m'étouffait. Cette vie m'oppressait chaque jour un peu plus et j'enviais les gens libres.

J'avais vingt ans et on m'en donnait tout juste dix-sept, pour les plus généreux. Cela me faisait perdre beaucoup de crédibilité vis à vis des autres personnes. En particulier chez moi. Les yeux clos, assis sur ce banc, je me mis à rêver de ma vie future. Celle où après avoir fini mes études je partirai de cette ville infestée d'hypocrites qui ferment tous les yeux devant ce qu'ils ne veulent pas voir. Je ne préviendrai personne de mon départ et ne donnerai jamais de nouvelles. C'était sûrement le seul moyen pour qu'on me fiche la paix. Un craquement de feuilles au sol me fit ouvrir les yeux. Un jeune homme, je crois, je ne le voyais pas très bien dans la pénombre, passait lentement devant moi. Très lentement d'ailleurs. Il ne m'accorda pas un regard mais pourtant il attira mon attention. Il dégageait quelque chose d'étrange. Puis, il s'arrêta soudainement ce qui me surpris d'abord puis m'inquiéta ensuite quand il revint sur ses pas, revint vers moi. Il me dévisageait, ou du moins c'est ce que je croyais. Sa présence m'oppressait, son silence me dérangeait. Je n'aimais pas être observé par des regards inconnus. Leur jugement ne m'intéressaient tout d'abord pas le moins du monde et ensuite les jeunes filles en chaleur qui regardent, « matent » leur futur proie m'exaspéraient. Toutes laides et pauvres, de plus. Les quelques secondes qui s'écoulaient me paraissaient être de longues minutes interminables quand il les brisa pour hocher la tête avec un air déçu, dégoutté. Puis, imperturbable, il reprit sa route. J'étais curieux, trop curieux, et quand quelque chose m'attirait il fallait que je le vois de plus près. Je me levai d'un bond, même si je savais qu'à l'allure où il allait je ne risquais pas de le perdre de vue. J'avais de longues jambes interminables et maigres. Pourtant mes pas étaient lourds, la faute à mes grosses bottes noires trop grandes pour moi. Quand j'arrivai à quelques mètres de lui, je m'arrêtai.



Ma voix était un peu sèche mais je n'arrivai pas à l'adoucir, j'avais la gorge irritée et j'étais encore un peu angoissé.



Je ne savais pas ce qu'il faisait ici ni qui il était, mais ça je m'en fichais. Sa manière d'agir m'avait intrigué et même si ma question était directe, la seule chose que je voulais entendre était sa réponse. Une légère brise vint me glacer la peau et soulever quelques mèches blondes de mon visage blafard. Mon portable vibrait dans ma poche mais je ne m'en apercevais pas.

Je n'eus plus aucun doute, cet étrange personnage était un vampire. Ce qui m'étonna d'abord c'est qu'il le laisse deviner si facilement. La façon dont il m'avait répondu me laissait perplexe, tel un idiot, planté au milieu du park, ne sachant que répondre. Je n'aimais pas qu'on me parle ainsi et je n'aimais pas me laisser faire, je n'étais pas un esprit faible et j'avais bien trop de fierté pour ça. Je n'avais pas peur des vampires non plus, je rêvais d'en rencontrer un. Il n'était pas comme je les imaginais, ni comme cette jeune vampire que j'avais cru voir une fois. La seule chose qui ne m'étonnait pas, c'était sa froideur. Apparemment il ne supportait pas qu'un humain insignifiant lui adresse la parole. Non sans un sourire amusé, alors qu'il allait continuer son chemin, je repris :


Je savais pertinemment qu'énerver un vampire me faisait courir un grand danger mais il me fallait en être sûr. C'était une chance qu'il se passe enfin quelque chose d'intéressant. Cela était un jeu et j'avais tellement été habité par l'ennui au cours de ces dernières années que je me fichais de ce qui pouvait m'arriver, pourvu que je m'amuse un peu. Mes membres étaient crispés, sans doute par la peur. Mes yeux fixaient l'inconnu et je souhaitais vraiment qu'il se retourne à nouveau. Je ne devais pas le laisser partir ou je m'en voudrais bien trop longtemps. Une feuille vint me frôler la main pour se pauser un peu plus loin, à quelques centimètres du vampire. Il restait impassible. Je me demandais s'il ne s'énervait pas intérieurement, sans rien montrer au dehors. Je ne connaissais rien aux vampires ni à leur façon de réagir. Ni à leur force. C'était pour cela que je n'avais pas trop peur. Pour l'instant, du moins. Mon portable vibra à nouveau et je le sentis cette fois. Je l'éteignis.
Allé, tourne toi vers moi. Daigneras-tu m'accorder à nouveau un regard, une parole ? J'en meurs d'envie. Allé, je n'ai pas peur.
Une fraction de seconde, je vis le park en plein jour, sous un soleil de plomb. Les enfants se bousculaient tous. Parmi eux, un petit blond maigrichon était assis dans l'herbe. Il était à l'écart des autres et semblait ne pas leur montrer la moindre attention. Cet enfant c'était moi, et j'eus pitié de me revoir ainsi. J'aurai voulu lui dire qu'il n'était pas seul, que j'étais comme lui moi aussi.
Un grincement qui provenait d'un des jeux derrière moi me sorti de cette vision qui m'avait semblé durer longtemps. Si les humains, qui étaient des milliards à être pareils, pouvaient se sentir réellement seules, est ce qu'un vampire pouvait souffrir de solitude lui aussi ?



Mes questions l'énerveraient sûrement et j'étais sûre qu'il se contenterait de les ignorer. Je ravalai ma salive, anxieux, étonné de ma propre audace à son égard.